Dernièrement, le conglomérat qatari Al Mansour Holdings a fait sensation en annonçant un programme d’investissement colossal de 103 milliards de dollars dans six pays africains : le Botswana, le Burundi, la République démocratique du Congo, le Mozambique, la Zambie et le Zimbabwe. L’annonce, formulée par Sheikh Al Mansour Bin Jabor Bin Jassim Al Thani, membre de la famille royale qatarie, couvre des secteurs variés – agriculture, aviation, énergie, logement et tourisme – qui correspondent aux priorités de développement des États ciblés.
Ces engagements s’inscrivent dans un contexte où les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) intensifient leur présence économique sur le continent africain. Depuis une décennie, l’Afrique est devenue un espace d’opportunités pour les capitaux du Golfe, désireux de diversifier leurs partenariats et d’assurer leur sécurité alimentaire et énergétique. Si le Qatar veut aujourd’hui rattraper son retard, ses voisins ont déjà pris une longueur d’avance. Entre 2019 et 2023, les Émirats arabes unis ont mobilisé près de 110 milliards de dollars en Afrique, devenant ainsi le premier investisseur étranger du continent. De son côté, l’Arabie saoudite a dévoilé en 2024 un plan d’investissement de 41 milliards de dollars sur dix ans en Afrique subsaharienne, dont 25 milliards sous forme d’investissements directs d’entreprises saoudiennes.
Face à ces montants impressionnants, Doha apparaît encore en retrait. Selon les données disponibles, le Qatar n’a injecté que 7,2 milliards de dollars sur le continent entre 2012 et 2022. L’annonce d’Al Mansour Holdings pourrait donc marquer un tournant stratégique pour le pays, désireux de combler son retard. Cependant, l’ampleur des chiffres annoncés suscite des interrogations. Sheikh Al Mansour, bien qu’appartenant à la famille royale, n’occupe aucune fonction officielle au sein du gouvernement. De plus, les médias d’État qataris n’ont pas relayé ces annonces, un silence qui renforce le scepticisme de certains observateurs.
Autre élément troublant : la disproportion entre les montants promis et la taille des économies concernées. Au Burundi, dont le PIB annuel est estimé à environ 7 milliards de dollars, les promesses d’investissement atteignent 12 milliards – soit presque le double. Même constat au Botswana, où l’on évoque également 12 milliards d’investissements pour un pays dont le PIB ne dépasse pas 19 milliards. Ces écarts jettent une ombre sur la faisabilité des projets et la réelle volonté de Doha de déployer de tels moyens. Pour certains analystes, ces annonces pourraient davantage relever de la diplomatie d’influence que d’un véritable plan économique structuré.
Malgré ces incertitudes, un fait demeure : l’Afrique continue de susciter un intérêt croissant de la part des puissances du Golfe et d’autres économies émergentes. La richesse en ressources naturelles, la croissance démographique et l’urgence des besoins en infrastructures en font un partenaire incontournable. Reste à savoir si les annonces spectaculaires du Qatar se traduiront en investissements tangibles ou si elles viendront grossir la longue liste de promesses non tenues.