Les 15 et 16 octobre prochains, Cologne accueillera la première édition de l’Africa Xchange Summit, un événement qui s’annonce comme une étape majeure dans la coopération culturelle et économique entre l’Afrique et l’Europe. Organisé en marge du Festival du film de Cologne, le sommet ambitionne de bâtir des passerelles durables entre les deux continents dans les domaines du cinéma, de la musique, des jeux vidéo, de la technologie et de la finance.
Pour Philipp Hoffmann, directeur général de Rushlake Media, société allemande de distribution numérique active sur le continent africain, ce rendez-vous est capital : « Cet événement est essentiel pour le positionnement économique et culturel de l’Allemagne et de l’Europe », estime-t-il. Selon lui, l’Afrique représente « l’un des derniers grands marchés de croissance durable ». En d’autres termes, le continent est devenu un espace d’opportunités où créativité et innovation s’entrelacent pour façonner une économie d’avenir.
Longtemps reléguées au second plan, les industries culturelles africaines s’imposent aujourd’hui comme un levier stratégique de développement. D’après l’UNESCO, le secteur du film et de l’audiovisuel africain génère déjà cinq millions d’emplois et cinq milliards de dollars de richesse chaque année. Avec une meilleure structuration, ce potentiel pourrait quadrupler, atteignant 20 millions d’emplois et 20 milliards de dollars de valeur économique. Le Nigeria, fer de lance de cette dynamique, illustre à lui seul la vitalité du secteur. Nollywood, deuxième industrie cinématographique mondiale après Bollywood, produit près de 2 500 films par an, attire 150 millions de spectateurs et contribue à 2,2 % du PIB du pays. Ce dynamisme a séduit les géants du streaming, notamment Netflix et Amazon Prime, qui multiplient les productions locales. Des œuvres comme Aníkúlápó de Kunle Afolayan ou The Black Book d’Editi Effiong ont connu un succès mondial, propulsant Nollywood sur la scène internationale.
La musique nigériane n’est pas en reste. L’afrobeats, incarné par des figures planétaires telles que Burna Boy, Wizkid ou Tems, a conquis les plus grandes scènes et les charts internationaux. Le gouvernement nigérian mise sur cette dynamique : selon la ministre de la Culture et de l’Économie créative, Hannatu Musawa, l’objectif est de porter la contribution des industries culturelles et touristiques à 100 milliards de dollars d’ici 2030. Malgré ces succès, le secteur reste confronté à d’importantes limites. Selon la Société financière internationale (IFC), seules 3 % des levées de fonds des start-up africaines en 2023 ont concerné les industries du divertissement. Quant aux exportations créatives, elles ne représentaient que 2,4 milliards de dollars en 2022, soit moins de 0,3 % du marché mondial, d’après le rapport Creative Economy Outlook 2024 de la CNUCED.
C’est précisément à ces défis que souhaite répondre l’Africa Xchange Summit, en favorisant la circulation des talents, la mobilisation de capitaux et le partage de savoir-faire entre acteurs africains et européens. L’ambition est claire : transformer le potentiel créatif africain en puissance économique réelle. À l’échelle mondiale, l’enjeu est de taille. Les industries culturelles et créatives représentaient déjà 2 300 milliards d’euros et 6 % des emplois en 2022. Si l’Afrique parvient à capter ne serait-ce qu’une fraction plus importante de cette richesse, le continent pourrait devenir, dans la décennie à venir, un acteur incontournable de la scène culturelle et économique mondiale.
