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COVIDGATE AU CAMEROUN | Zoom sur une affaire d’Etat

 

Deux entreprises, Mediline Medical Cameroon et Moda Corporation SA évoluant dans le giron de la véritable nébuleuse contrôlée par le tycoon camerounais, Mohamadou Dabo, sont au centre de l’emballement médiatique dans le cadre du Covidgate, l’actualité qui secoue fortement le Cameroun depuis des semaines et qui a déjà contraint plusieurs ministres et hauts responsables à venir s’expliquer devant les enquêteurs.

Dans cette affaire, les autorités tentent de calmer le jeu en rappelant  qu’une enquête judiciaire est en cours et que « des membres du gouvernement et d’autres personnalités sont appelées à rendre des comptes ». Mais le 8 juin dernier, le président de l’Assemblée nationale a créé une petite tempête dans la grande quand il a appelé la population à ne pas « juger » à l’avance « certains Camerounais dans les médias conventionnels et les médias sociaux ».

D’après le rapport d’audit de la Chambre des comptes de la cour suprême (CDC), la société Mediline Medical Cameroon SA (MMC SA), dont les intérêts de Mohamadou Dabo sont gérés par le biais de la société Moda Corporation SA, basée à Yaoundé, aurait bénéficié d’une situation de quasi-monopole dans l’approvisionnement en tests de dépistage au Covid-19. Cette entreprise aurait engrangé dans l’opération 24 milliards 500 millions de F CFA et n’a laissé que des miettes à ses concurrents.

Moda holdings Hong-Kong, filiale de Moda Corporation SA, a pour sa part été mandatée pour acheminer les tests de dépistage fournis par la firme coréenne Bio-sensor. Selon les investigations effectuées, les factures envoyées par Moda holding au ministère en charge de la Santé ont été exagérément gonflées. On sait ainsi le kit de marque Standard Q Covid-19 AG Test a été vendu à 17 500 F CFA alors que le prix est de 7 084 F CFA chez SD Biosensor. Un montant que l’on pourrait même diviser par deux si le Cameroun s’était approvisionné via le Fonds mondial de lutte contre le Paludisme, le VIH et la tuberculose.

Dernièrement, le média Investir au Cameroun, documents à l’appui, a révélé que MMC a viré, en octobre 2020, depuis son compte à Afriland First Bank, 8,9 millions de dollars (près de 5 milliards de FCFA) au profit de Moda Holding à Hong Kong. La CDC avait déjà pourtant apporté des preuves que l’homme d’affaires Mohamadou Dabo est, à travers Moda Holding, actionnaire de MMC. Et l’opération est présentée comme « le fruit d’un partenariat entre le Cameroun et la Corée du Sud ». A noter que Dabo est aussi le consul honoraire de la Corée du Sud à Douala, la capitale économique du Cameroun.

Les soupçons de la Beac

Le résultat des investigations démontrent en outre que Mediline a essayé plusieurs fois de virer le même montant que le précédent vers le compte de Moda Holding. La transaction n’a pas abouti du fait du véto émis par la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Et c’est là que le gouvernement camerounais est mis en difficulté car le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, a envoyé le 10 mars 2021 une lettre incitant la Beac à faciliter le transfert de fonds en rapport avec le financement d’un marché de livraison des tests de diagnostic rapide. On est en outre désormais informé qu’une réunion avait eu lieu au niveau de la Primature pour tenter « surmonter ce blocage ». 

L’affaire aurait commencé à transpirer suite au dépôt de l’ordre de virement par Moda Holding auprès d’Afriland First Bank. Cette dernière qui devait avoir le feu vert de  la Beac pour encaisser les devises prévues pour mener l’opération. Si le premier virement a pu être effectué, la Beac va remarquer par la suite que Moda Holding n’est pas inclus dans le catalogue des fournisseurs auprès desquels le ministère de la Santé publique du Cameroun peut acquérir des tests de dépistage du Covid-19. L’institution monétaire relèvera en outre des informations non cohérentes dans les dossiers fournis par la société. Il a été constaté ainsi que données quantitatives sur les tests déclarés ne coïncident pas avec les informations en possession de la direction des douanes.

On apprend également que la Beac a trouvé anormal que l’expéditeur des colis soit la société SD Biosensor et non Moda Holding qui était pourtant le destinataire du transfert de fonds. Depuis, les commentaires vont bon train sur le véritable rôle de cette dernière d’autant plus que c’est une société enregistrée à Hong Kong… 

Des cadres de la Banque s’interrogeraient aussi pourquoi la MMC a choisi de poursuivre ses activités de livraison des tests de dépistage du Covid-19 au Cameroun malgré les gros nuages qui s’amoncelaient sur ce marché. L’entreprise qui a confirmé, à ce moment-là, avoir fait deux livraisons de 500 000 tests au ministère de la Santé publique respectivement le 28 décembre 2020 et en janvier 2021. D’autres sources soutiennent que plus d’un million de tests d’un montant global de 19,25 milliards de FCFA attendent toujours d’être réceptionnés.

Réaction coréenne inattendue 

Si à Yaoundé, le mot d’ordre en haut lieu est le silence à l’égard de cette affaire qui risque de couper plusieurs têtes, ce n’est pas le cas pour le volet coréen du dossier. Au début de ce mois, par un communiqué qui se veut être un élément de clarifications, Sanghi-Yi, qui se présente en tant que président du Conseil d’Administration de Mediline Medical, indique notamment que sur les livraisons « dûment effectuées », il reste encore 8,5 milliards Fcfa qu’elle attend du Trésor public camerounais.

Ce fournisseur affirme en outre qu’entre le 30 mai 2020 et janvier 2021, il a livré 1,9 million de tests sur les 3 millions commandés par le gouvernement camerounais. En tenant compte que l’entreprise a déjà encaissé 24 milliards 500 millions de Fcfa, la facture totale de l’opération est aujourd’hui estimée à plus de 33 milliards.

Pendant ce temps, les articles de presse et les commentaires sur les réseaux sociaux ne cessent d’enfler concernant le discret Mohamadou Dabo, présenté comme « au cœur du scandale ».  Peuhl originaire du nord du Cameroun, ce dernier est un très riche homme d’affaires qui a toujours évité les projecteurs. Ce sexagénaire opérant dans une multitude de secteurs de l’économie a mis sur pied Moda Holding il y a quarante ans. Il est réputé proche du palais présidentiel et s’est constitué un épais carnet d’adresses qui ferait de lui l’une des personnalités les plus influentes du pays et de la zone Cemac. 

Le tycoon a déjà été cité en février dernier par la plateforme d’information française Africa Intelligence suite aux difficultés dans lesquelles se trouve la compagnie aérienne spécialisée dans l'aviation d'affaires Global-S-Aviation. Le sort de cette compagnie qui lui appartient aurait définitivement été scellé par les autorités camerounaises et que lui aurait été visé par la justice dans une autre affaire de réhabilitation de l'aéroport de Garoua.

Le FMI interpellé

Nombre d’observateurs locaux et extérieurs suivent de près le développement de cette affaire qui a fait l’objet d’une lettre adressée à Kristalina Georgiva, directrice générale du FMI, de la part de figures politique et de la société civile au Cameroun. Ces dernières qui veulent que le FMI n’accorde de nouveaux financements à l’Etat si la transparence et la justice ne seront pas faites sur cette affaire. A rappeler que la Chambre des comptes a noté qu’elle soupçonnait que des milliards de francs CFA prêtés par le FMI en urgence l’année dernière et destinés à la lutte contre la pandémie de coronavirus ont été détournés. 

Pour l’avocate et activiste des droits de l’homme Alice Nkom : « Ce rapport fait état de dépenses vingt fois supérieures aux provisions, pour de multiples lignes budgétaires, de sur-tarification du double au quintuple, des contrats attribués à des fournisseurs non-agréés et à des fournisseurs ayant des liens familiaux avec des personnels du ministère. Alors on veut savoir ce qu’il s’est passé. »

Le Conseil d’administration du FMI doit tenir des réunions ce mois pour examiner une nouvelle demande de financement du Cameroun, les activistes demandent au Fonds monétaire d’ « ordonner un audit impartial, indépendant » et que « les coupables soient punis. Nous ne voulons pas que le prochain décaissement retombe entre les mêmes mains. »
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