Le marché mondial du diamant traverse une période difficile depuis plusieurs années. Face à une demande en berne, des prix volatils et une concurrence accrue des pierres de synthèse, les acteurs de la filière tentent de se réorganiser. C'est dans ce contexte que le groupe De Beers, référence historique du secteur, est mis en vente par son propriétaire, le conglomérat minier anglo-sud-africain Anglo American.
Depuis qu'Anglo American a officiellement lancé un processus de cession, qui suscite un vif intérêt tant du côté des acteurs privés que des États, les spéculations et les bruits de coulisses se multiplient. Fondé en 1888 en Afrique du Sud, De Beers a longtemps incarné l’hégémonie mondiale du diamant, contrôlant jusqu’à 80 % du marché au cours du XXᵉ siècle. Aujourd’hui, sa part de marché est tombée à environ 30 %, mais l’entreprise reste incontournable grâce à son expertise, son réseau et son rôle historique dans la promotion du diamant comme symbole d’amour et de luxe. Pour Anglo American, en pleine réorganisation de son portefeuille d’actifs, cette cession répond à un double objectif : alléger sa dette et recentrer ses activités sur des segments plus porteurs comme le cuivre et le minerai de fer.
La mise en vente intervient alors que l’industrie du diamant est fragilisée. La demande mondiale, notamment en Chine et aux États-Unis, deux marchés clés pour la joaillerie, a fortement ralenti. La montée en puissance des diamants de laboratoire, moins chers et de plus en plus prisés par les jeunes générations, accentue la pression sur les producteurs traditionnels. Selon plusieurs cabinets d’analyse, les prix des diamants bruts ont chuté de près de 20 % en 2023. Dans ce contexte, la valorisation de De Beers pourrait être affectée, mais son aura historique et ses actifs stratégiques (mines au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud, ainsi qu’un puissant réseau de distribution) en font une cible attractive.
Parmi les prétendants, le Qatar se distingue par son intérêt affiché. Déjà actif dans les secteurs de l’énergie, de l’immobilier et du sport, l’émirat cherche à diversifier davantage ses investissements souverains et à renforcer sa présence dans le luxe. Un rachat de De Beers lui permettrait d’acquérir un fleuron mondial et de gagner en influence sur un marché toujours porteur symboliquement. De manière plus discrète, la Russie figure également parmi les acteurs intéressés. Son géant minier Alrosa, premier producteur mondial de diamants bruts, verrait dans cette opération une opportunité de consolider sa domination. Toutefois, les sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine compliqueraient une telle acquisition, rendant improbable un rachat direct mais ouvrant la voie à des montages plus complexes via des partenaires tiers.
Au-delà des États, plusieurs maisons de luxe et conglomérats spécialisés se préparent aussi à entrer dans la course. Contrôler l’approvisionnement en diamants bruts représente un avantage stratégique pour sécuriser la chaîne de valeur et protéger l’authenticité de leurs produits face à la concurrence des pierres synthétiques. La vente de De Beers ne constitue pas seulement une opération financière. Elle marque la fin d’un cycle pour un groupe qui a façonné l’imaginaire du diamant au niveau mondial. Le futur acquéreur héritera d’un patrimoine industriel, mais aussi d’un défi : réinventer l’avenir du diamant naturel dans un marché en pleine redéfinition.