Alors même que les pays africains se positionnent de manière à exercer une plus grande influence sur leurs partenariats extérieurs, ils cherchent aussi à recalibrer leurs partenariats stratégiques avec la Chine afin de promouvoir leurs propres intérêts. C’est par ce constat introductif que le Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique (CESA) lance son analyse de l’évolution des relations entre Pékin et le Continent.
Paul Nantulya, chercheur auprès du CESA, note que les relations Afrique-Chine en 2025 ont débuté par un voyage du ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, sur le continent du 5 au 11 janvier. Et rappelle que depuis 1991, le ministre chinois des Affaires étrangères fait de l’Afrique la destination de son premier voyage diplomatique de l’année. Ce voyage marque la 57e visite de M. Wang en Afrique depuis 2013. Le Tchad joue un rôle clé dans les efforts déployés par la Chine pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement mondiales en minerais essentiels dans les secteurs de la haute technologie et de l’énergie propre.
Pour sa part, la République du Congo est le nouveau coprésident africain du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC). La Namibie est le principal partenaire maritime de la Chine sur la côte atlantique de l’Afrique, où se trouve la plus grande concentration de projets portuaires chinois. Le Nigeria représente l’engagement croissant de la Chine dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, qui inaugurera son nouveau siège construit et financé par la Chine en février 2025.
La « diplomatie de grand pays »,
Cette tournée, souligne aussi Paul Nantulya, fait suite au neuvième sommet du FOCAC, qui s’est tenu en septembre 2024, et renforce les mesures politiques annoncées en juin lors du conclave ou plénum régulier à huis clos de la Chine, qui fixe les objectifs politiques. Le plan à moyen terme de la Chine, qui s’étend jusqu’en 2029, vise à développer ce qu’elle appelle la « diplomatie de grand pays », un terme que la Chine utilise pour décrire le statut de grande puissance qu’elle s’attribue. Entre autres priorités ce plan vise également à stimuler les chaînes d’approvisionnement mondiales de la Chine et à achever la modernisation militaire en cours. Les pays africains jouent un rôle central dans la réalisation de ces objectifs.
Constat est aussi fait que les autorités chinoises profitent de ces événements pour promouvoir leur modèle de gouvernance et travailler avec leurs homologues afin d’harmoniser leurs politiques avec celles de la Chine. En Ouganda, des fonctionnaires judiciaires et des juristes africains ont examiné comment les lois chinoises et africaines pouvaient être harmonisées pour élaborer l’initiative chinoise une Ceinture une Route, l’effort mondial de la Chine pour créer de nouveaux corridors commerciaux connectés à son économie. Au Tchad, des autorités africaines et chinoises du secteur des hydrocarbures et des dirigeants d’entreprises ont discuté de la mise en place de chaînes de production et d’approvisionnement en énergies renouvelables. Le forum a été organisé par une cellule de réflexion de la Société nationale du Pétrole de Chine, qui joue un rôle de premier plan dans la consolidation des chaînes d’approvisionnement mondiales de la Chine dans le domaine de l’énergie.
En conclusion, le CESA souligne que la politique africaine de la Chine s’inscrit dans une stratégie globale visant à créer des dépendances et des interdépendances qui rendent les pays et les régions plus enclins à soutenir les ambitions mondiales de la Chine. Les pays africains, en revanche, n’ont pas de stratégie écrite à l’égard de la Chine. Pourtant, les intérêts africains restent perceptibles et ne sont parfois pas harmonisés avec ceux de la Chine. Les progrès réalisés à l’horizon 2025 seront mesurés en fonction de la capacité à maintenir l’impulsion donnée à la formulation claire des intérêts africains, à institutionnaliser l’appropriation par l’Afrique du renforcement des capacités financé par la Chine et à mettre en place un système permettant de suivre systématiquement les engagements du FOCAC tout en maximisant les avantages pour le continent.