A 42 ans, l’écrivain franco-rwandais a remporté haut la main l’édition 2024 du célèbre prix Renaudot pour son roman intitulé Jacaranda, paru le 14 août dernier aux éditions Grasset. Pour la deuxième fois consécutive, l’écrivain musicien revisite avec succès l’histoire du Rwanda, pays d’origine de sa mère où il vit désormais.
Quels secrets cache l’ombre du jacaranda, l’arbre fétiche de Stella ? Il faudra à son ami Milan des années pour le découvrir. Des années pour percer les silences du Rwanda, dévasté après le génocide des Tutsis. En rendant leur parole aux disparus, les jeunes gens échapperont à la solitude.
Et trouveront la paix près des rivages magnifiques du lac Kivu. Sur quatre générations, avec sa douceur unique, Gaël Faye nous raconte l’histoire terrible d’un pays qui s’essaie malgré tout au dialogue et au pardon. Comme un arbre se dresse entre ténèbres et lumière, Jacaranda célèbre l’humanité, paradoxale, aimante, vivante.
Deuxième roman de l’écrivain, Jacaranda s’est écoulé à plus de 160 000 exemplaires depuis sa parution. En septembre dernier, l’ouvrage comptait déjà six réimpressions et se trouvait en tête des meilleures ventes. Sans oublier que les éditions Grasset ont signé avec l’auteur un contrat pour plusieurs traductions.
La nouvelle pépite de Gaël Faye, après avoir été dans la liste des finalistes du prix Goncourt, était également parvenu à intégrer les sélections du grand prix du roman de l’Académie française et du prix du roman Fnac. À travers les yeux de son nouveau héros, Milan, l’auteur parler de « réparer des blessures personnelles et de déconstruire la pensée raciste et les idées de certains milieux négationnistes ».
« Petit Pays », grand succès
Rappelons que Gaël Faye avait aussi, en 2016, avec Petit Pays (Grasset), connu un grand succès. Accueilli très favorablement par la critique et écoulé à 1 650 000 exemplaires en France, celui-ci s’était récompensé de nombreuses distinctions dont le prix Goncourt des lycéens, le prix du roman Fnac, le prix du Premier roman français ou encore le prix du Roman des étudiants France Culture-Télérama. Le livre fut vendu dans 30 langues à plus de 200 000 exemplaires à travers le monde.
« J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants »,
avait soutenu avec force conviction le jeune écrivain qui, avec un rare sens du romanesque, évoquait les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu.
Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, ce premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, met en scène des personnages qui tentent de survivre à la tragédie.
En 2020, le titre a même été porté au cinéma par Éric Barbier, à partir d’un scénario coécrit avec le premier concerné. La même année, Gaël Faye a publié, à destination de la jeunesse, L’Ennui des après-midi sans fin (Les Arènes), livre-CD dans lequel l’auteur associe ses deux passions : la musique et l’écriture.
Artiste aux multiples talents
Gaël Faye, à la fois chanteur et romancier, a accueilli son nouveau succès avec « beaucoup de joie et une grande surprise ». Pour leur part, les médias ont presque tous tenu à souligner que le Franco-rwandais de 42 ans a un profil atypique dans le paysage littéraire français.
« Entre slam, musique et littérature, il est un artiste aux talents multiples, dont la plume est aussi alerte que les thèmes sont graves », peut-on lire dans un article portrait d’un média francophone très suivi en Afrique.
Le fraichement lauréat du Prix Renaudot s’est aussi longuement confié à Raphaëlle Bacqué, dans le quotidien Le Monde : « Les plus vieux souvenirs que ma mère nous a racontés sont ceux de camps de réfugiés où elle avait les pieds dans la boue. Les bribes d’information sur son passé racontent une histoire de souffrances, d’exil, d’arrachement, de sentiment d’être pourchassé et déshumanisé.
C’est l’histoire de sa génération. Une génération qui a vécu dans un monde où l’on pouvait tuer un Tutsi sans que cela ait aucune conséquence. Enfant, je n’avais pas conscience que son silence venait de là (…) J’ai écrit dans mes livres ce qu’elle n’arrivait pas à dire, mais jusqu’à récemment je n’étais pas certain qu’elle les avait lus. Et puis, il y a peu de temps, elle m’a envoyé un message et j’ai compris qu’elle les avait lus ».
A la Foire du livre de Brive, il y a quelques jours, l’écrivain rappeur a présenté une lecture musicale autour de son nouveau roman, accompagné de Samuel Kamanzi à la guitare et au chant. Selon le quotidien La Montagne, Gaël Faye, a eu le privilège d'être conduit en Mercedes 190 SL. Interpellé par une fidèle lectrice, le chanteur-auteur a même signé sa première dédicace sur le coffre de la Mercedes, devant la gare, tout en promettant d’essayer de ne pas rayer la belle voiture…
Pour sa part, Mehdi Ba a décrypté pour Jeune Afrique le livre de Gaël Faye : « Ce roman, manifestement promis à un bel avenir, a le mérite d’offrir à la lecture du plus grand nombre le périple existentiel du jeune Milan dans un pays à la fois complexe, martyr et digne, qui écrit son histoire tourmentée à l’encre indélébile ».
Notons enfin que c’est Jean-Marie Gustave Le Clézio, président du jury Renaudot pour cette édition, aux côtés de Dominique Bona, qui a annoncé le prix remis à Gaël Faye. Ce dernier qui l’a reçu au premier tour, à 6 voix. Le lauréat du prix Renaudot est arrivé à pied sous les vivats. Un fan lui a même demandé un selfie. Du jamais-vu devant Drouant…